Pourquoi le gouvernement américain prend au sérieux le risque d’espionnage lié à TikTok
Les États-Unis ont récemment adopté une proposition de loi visant à vendre ou interdire TikTok sur leur territoire, provoquant plusieurs interrogations sur les motivations du gouvernement américain. Si ces mesures sont définitivement adoptées, cela enverrait un message clair à ByteDance, la maison mère de TikTok, mais surtout à la Chine, avec qui les États-Unis entretiennent des relations tumultueuses.
En effet, les États-Unis et de nombreux autres pays se méfient de TikTok en raison de craintes d’espionnage et de déstabilisation politique, voire de manipulation de l’opinion publique au profit de la Chine. Ces inquiétudes ont conduit la Maison Blanche ainsi que la Commission européenne à interdire l’utilisation de l’application sur les téléphones professionnels de leurs employés depuis plusieurs mois déjà.
Pour comprendre les raisons qui poussent le gouvernement américain à prendre ce risque au sérieux, il est nécessaire de distinguer deux menaces : la surveillance de masse des citoyens et l’influence sur les opinions publiques d’un côté, et le risque d’espionnage au sein d’organisations étatiques de l’autre, comme l’explique Fabrice Ebelpoin, professeur à Science Po et spécialiste des réseaux sociaux.
Concernant la première menace, les États-Unis se basent sur des affaires passées pour légitimer leurs craintes. Le scandale Cambridge Analytica en 2014 a révélé que les données personnelles des utilisateurs de Facebook pouvaient être exploitées à des fins politiques, influençant notamment les élections primaires républicaines de 2016. Les interdictions de TikTok à Hong Kong et en Inde en raison d’affrontements violents sont également des exemples potentiels d’opérations de manipulation de l’opinion menées par des applications chinoises.
Une autre préoccupation concerne le risque d’espionnage de la population, comme l’a illustré l’affaire Pegasus en 2021, où un logiciel espion israélien a été utilisé pour infiltrer les smartphones de personnalités politiques, journalistes et militants. Cette réalité du risque d’espionnage est ce que les Américains cherchent à éviter à tout prix.
Il est vrai qu’il n’existe pas de preuves concrètes d’espionnage de la part de TikTok, mais de forts soupçons existent. Par exemple, des journalistes américains du magazine Forbes ont été traqués par ByteDance après avoir enquêté sur les méthodes de TikTok. Cette affaire révèle les risques potentiels que représente l’application.
Face à ces menaces, le gouvernement américain cherche avant tout à séparer TikTok de sa maison mère chinoise plutôt que de l’interdire totalement. Cependant, certains experts en cybersécurité remettent en question l’efficacité de cette stratégie, soulignant que la vente de TikTok ne résoudrait pas tous les problèmes. En effet, un nouveau propriétaire pourrait également transférer illégalement les données des utilisateurs au gouvernement chinois.
Ce bras de fer entre Pékin et Washington montre que les États-Unis considèrent que l’influence de TikTok sur les utilisateurs américains sert davantage les intérêts de la Chine que ceux des États-Unis. Ainsi, le gouvernement américain prend au sérieux le risque d’espionnage lié à TikTok pour protéger la sécurité des données de ses citoyens et préserver sa souveraineté.