Le contrôle financier exercé par six grands groupes sur le secteur de la biologie médicale

Le contrôle financier exercé par six grands groupes sur le secteur de la biologie médicale

Autrefois majoritairement indépendants, les laboratoires d’analyse sont peu à peu tombés dans le giron de grands groupes, qui ont profité des évolutions législatives du secteur voulues par les pouvoirs publics à des fins d’économies.

En l’espace de quinze ans, le secteur de la médecine libérale a fait l’objet d’un mouvement de concentration inédit. En 1980, la France comptait plus de 4 000 sociétés de laboratoires de biologie médicale de ville, contre moins de 400 en 2021. Entre-temps, des grands groupes privés, adossés à des fonds d’investissement, ont racheté leurs laboratoires à des médecins biologistes et fusionné les structures. Six groupes détenaient 61 % de la biologie médicale de ville en 2021 : Unilabs, Biogroup, Cerba Healthcare, Inovie, Synlab, Eurofins. Désormais, ils en posséderaient « plus des deux tiers », selon l’estimation du directeur général de la Caisse nationale de l’assurance-maladie, Thomas Fatôme, en juillet 2023.

Comment en sommes-nous arrivés là ? « On a cassé les indépendants, on leur a mis la pression sur les tarifs, avec en même temps des normes de qualité très lourdes à respecter », accuse Lionel Barrand, biologiste libéral et président du syndicat national Les Biologistes médicaux. Beaucoup ont eu peur et préféré vendre plutôt que risquer la faillite, en profitant des gros chèques qui s’offraient pour les racheter. L’État a jeté la biologie dans les bras des investisseurs. »

Jusqu’à la fin des années 1980, les cabinets de biologie médicale étaient en effet détenus par des biologistes propriétaires de leur outil de travail, qui géraient des équipes restreintes. Le métier était très rentable, porté par une forte demande et des gains de productivité dopés par l’automatisation croissante des techniques d’analyse.

A partir des années 1990, les pouvoirs publics, qui cherchent à réduire les dépenses par le biais d’économies d’échelle, encouragent la profession à se regrouper pour former des entités de plus grande taille, exploitant jusqu’à cinq laboratoires. Pour en faciliter le financement, la loi autorise des investisseurs extérieurs, non-biologistes, à acquérir jusqu’à 25 % du capital des sociétés ainsi formées : les sociétés d’exercice libéral. La majorité devant être détenue par des biologistes y exerçant.

Mastodontes financiers

Si les regroupements restent modestes la décennie suivante, le modèle bascule pour de bon en 2001, à la faveur d’une brèche juridique dans laquelle s’engouffrent les fonds d’investissement. La loi Murcef de 2001 autorise des regroupements plus larges, permettant à des biologistes qui n’exercent pas dans la société d’exercice libéral d’y être majoritaires. Des fonds financiers vont alors user des possibilités offertes par le droit européen pour prendre des participations majoritaires dans des cabinets français par des sociétés de biologie étrangères, constituant ainsi de très grandes chaînes de laboratoires.

Cette concentration financière a des conséquences sur le secteur de la biologie médicale. En effet, les grands groupes, en recherchant avant tout la rentabilité, peuvent influencer les pratiques médicales et la qualité des analyses. Les objectifs commerciaux et la pression exercée sur les tarifs peuvent amener les laboratoires à privilégier certains actes médicaux au détriment d’autres, ou à réduire la qualité du service. De plus, les groupes financiers internationaux peuvent avoir peu d’intérêt pour les spécificités locales et les besoins des patients.

Face à cette situation, certains professionnels de la biologie médicale et syndicats dénoncent cette concentration et appellent à une régulation plus stricte du secteur. Ils mettent en avant la nécessité de préserver l’indépendance des biologistes et de garantir la qualité des analyses médicales.

En conclusion, le contrôle financier exercé par six grands groupes sur le secteur de la biologie médicale a considérablement modifié le paysage de cette profession. Si cette concentration a permis des économies d’échelle, elle soulève également des questions sur la qualité des soins et la prédominance des intérêts financiers. Il est essentiel de trouver un équilibre entre les impératifs économiques et les enjeux de santé publique pour garantir l’accès à des analyses médicales de qualité pour tous les patients.

La rédaction Bestnews
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